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Le 11 janvier 2024, à la Maison de la Forêt et du Bois à Lempdes, Clermont-Ferrand, Le Mouvement Associatif Auvergne-Rhône-Alpes, le Comité d’études et de liaisons entre associations à vocation agricole et rurale (CELAVAR), la Fédération AURA Nature Environnement (FRANE) et la Chaire Communication des Acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire (chaire CASSIS) de l’UCA ont organisé une journée dédiée à explorer la production de connaissances scientifiques par les associations dans la co-construction de nos territoires en Auvergne Rhône-Alpes grâce à la recherche participative. Trente-cinq personnes étaient réunies pour cette journée, qui s’est articulée autour d’une table ronde la matinée, suivi d’échanges avec les personnes participantes, et d’ateliers l’après-midi.


L’invitation à cette journée soulignait l’importance des collaboration entre la recherche et les associations pour relever les défis écologiques et sociaux de nos territoires. La co-recherche, qu’elle soit participative, contributive ou sous forme de recherche-action, offre en effet aux associations la possibilité de produire des connaissances directement actionnables par les parties prenantes concernées.


La table ronde fut l’occasion d’approfondir ces thématiques en réunissant les intervenantes suivantes : Marie Houdart, enseignante-chercheuse à l’INRAE, membre du conseil de surveillance de la ferme de la Sarliève et présidente d‘Îlots Paysans, Salma Loudiyi, professeure de géographie à VetAgro Sup, administratrice Terre de Liens Auvergne, membre du conseil de surveillance de la Ferme de la Sarliève, membre du conseil scientifique du Parc Naturel Régional du Livradois-Forez et présidente de l’association Le Roseau, et Florine Garlot, chercheuse associée au laboratoire Communication et Société, contractuelle universitaire au centre d’excellence Jean-Monnet ERASME sur le développement durable et salariée au Réseau des Cafés Culturels et Cantines Associatifs.

Co-Recherche Associative : Construire Nos Territoires avec Engagement et Savoir Scientifique avec nos intervenantes : Salma loudiyi, Florine Garlot et  Marie Houdart.

Chacune des 3 intervenantes a présenté sa trajectoire à la fois dans la recherche et le milieu associatif. Leurs expériences sont diverses, et mettent en relief la diversité des configurations qui relèvent de la recherche-action participative, ou en partenariat.

La thèse CIFRE ou le Fonjep recherche permettent par exemple d’intégrer un chercheur ou une chercheuse au sein de l’association. Florine Garlot a été recrutée dans ces cadres. Au sein du RECCA, elle travaillait avec une personne formatrice à la recherche-action : elle souligne que la compétence « recherche » n’est pas l’apanage des chercheurs et chercheuses à titre professionnel.

La mise en place d’une instance chargée de prendre le recul sur les actions menées par l’association est une autre manière « d’internaliser » la recherche à l’association. C’est par exemple le cas du conseil de surveillance de la ferme de la Sarliève, auquel Marie Houdart et Salma Loudiyi participent, aux côtés d’une salariée du collectif associatif. Le conseil scientifique du PNR du Livradois Forez est un autre exemple de ce type d’organisation.

Les appels à projet de recherche participative sont un autre cadre pour développer la recherche par les associations. Dans le cas du projet FERMENTS, l’association Terre de Liens a lancé un premier projet. Le dossier, rédigé par l’équipe associative, a été déposé auprès de la fondation de France. Salma Loudiyi avait eu l’occasion de rencontrer l’équipe, et a été impliquée dans ce projet. L’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société (SAPS) de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) était l’opportunité d’aller plus loin dans cette recherche, le dossier étant cette fois plutôt rédigé par les chercheurs et chercheuses académiques (notamment compte tenu de leur habitude sur ce type de guichet).

Recherche participative Auvergne Rhône-Alpes

Si les programmes de financement de la recherche intègrent pour certains (exemple  : PSDR, devenu Tetrae) une dimension participative depuis longtemps, on constate aujourd’hui une évolution dans le vocabulaire et dans la place donnée aux associations. Désormais, elles peuvent par exemple être des partenaires à part entière dans les projets de l’ANR SAPS, et plus seulement prestataires.

Cette évolution n’est pas anodine : dans les échanges tout au long de la journée, les personnes participantes ont unanimement souligné que la recherche participative demande plus de temps : pour se former, se rencontrer et partager une culture commune, pour l’émergence du projet, pour co-construire la problématique de recherche, pour co-élaborer la méthodologie et analyser les résultats… Si les associations n’ont pas de moyens dédiés à cela, le risque (et la crainte exprimée par certaines) est qu’elles soient un terrain de recherche, et pas des actrices de la recherche.

Lors des échanges de la matinée, plusieurs personnes participantes se sont également exprimées sur les limites inhérentes aux appels à projets : mise en concurrence entre les équipes et les projets, des questions de recherches « formatées » pour correspondre aux orientations de l’AAP, des temporalités inadaptées au rythme des équipes… La question des critères d’évaluation a également été longuement débattue : des critères adaptés aux spécificités de la recherche participative semblent nécessaires pour encourager ces démarches.


Après une pause déjeuner conviviale offerte par Agrim, l’après-midi fut consacré à des ateliers pratiques visant à explorer les différentes facettes de la co-recherche et à en partager les bonnes pratiques. La restitution de ces ateliers en fin d’après-midi a permis de synthétiser les enseignements et d’identifier des pistes d’action concrètes pour mettre en œuvre la co-recherche au sein des associations.


Lors des ateliers de l’après-midi, les personnes participantes ont indiqué que la recherche participative en Auvergne-Rhône-Alpes peut permettre d’aider à mieux comprendre le monde, d’avoir une analyse et/ou une méthodologie plus pointue d’analyse des données, d’objectiver les actions des associations et gagner ainsi en légitimité, y compris pour alimenter l’élaboration des politiques publiques. La recherche participative permettrait d’aller plus loin, de transformer le réel et les pratiques associatives, notamment face aux enjeux de transition de l’agriculture vers les pratiques agroécologiques, mais aussi face aux enjeux de renouvellement de la gouvernance des associations par exemple. La transversalité, pour une approche plus systémique, et le croisement entre savoirs empiriques et académiques, font partie des richesses identifiées de cette approche. L’exemple de Comb Lab, dont les partenaires sont des associations de chercheurs/chercheuses, d’exploitations agricoles, d’innovation sociale, est un exemple de structure permettant d’hybrider les approches.

Toutefois, lors de la table ronde, il a été souligné par les trois intervenantes qu’elles n’ont pas toujours été à l’aise avec leur position dans les projets de recherche participative : le mythe de la neutralité de la science est encore bien présent. Il semble y avoir une injonction à ne pas s’impliquer, au risque de ne pas faire de la « bonne » recherche. Or ce mythe a été beaucoup discuté par l’épistémologie ou les sciences de l’éducation par exemple. La neutralité parait impossible dans la mesure où la personne qui fait de la recherche sur le monde fait également partie de ce monde. Cette neutralité semble également indésirable, car elle supposerait une recherche sans valeurs et sans responsabilité quant à l’utilisation qui serait faite des résultats des recherches menées.


Lors des questions / réponses de la table ronde ainsi que lors des ateliers, plusieurs personnes ont souligné l’importance de ce type de rencontres pour favoriser les échanges entre les associations et la recherche académique, étape préalable nécessaire à l’émergence de projets de recherche participative. Le développement d’une culture commune, sur l’exemple des formations données par le RECCA à ses membres, est également à encourager.

Un questionnaire d’évaluation de la journée a été envoyé aux personnes participantes, et a reçu 14 retours. Globalement, à la question « Quelle est votre appréciation générale / satisfaction globale sur la journée ? », les personnes ont attribué 8/10. Ces personnes déclarent pour 12 d’entre elles que la journée leur a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les collaborations associations/recherche. Parmi elles, 10 d’entre elles indiquent qu’elles ont rencontré des personnes avec qui elles pourraient produire de la recherche, et 11 qu’elles ont identifié des personnes qui pourront les accompagner dans leurs projets de recherche en partenariat.

Pour la suite, il est prévu la réalisation d’un guide pratique de la recherche participative, capitalisant à la fois sur la bibliographie fournie concernant cette approche, et sur les expériences variées existantes sur le territoire clermontois et régional.

En attendant sa parution, vous pouvez consulter les ressources suivantes :


En conclusion, cette journée a constitué une étape dans la réflexion collective sur la recherche participative en Auvergne-Rhône-Alpes sur le rôle des associations dans la production de connaissances scientifiques et dans la co-construction de nos territoires. En encourageant le dialogue et la collaboration entre chercheurs et acteurs associatifs, elle a contribué à ouvrir de nouvelles perspectives et à renforcer le lien entre la recherche et l’action au service du bien commun.

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